Énergéthiquement vôtre
Un mois chargé, rien que du lourd ! Des ébouriffants épisodes de la « discussion » du projet de loi de transition énergétique au sénat, vrai jeu de massacre de toutes les mesures un peu favorables aux énergies renouvelables, aux péripéties, o combien annoncées, de notre industrie nationale nucléaire, notamment la quasi faillite du « fleuron » AREVA : le rapprochement entre ces deux sagas, où l’on voit de vrais « forcenés » cherchant à sauver à tout prix un échec national qu’ils construisent depuis 50 ans. Pourquoi tant d’acharnement, l’histoire nous le dira peut-être un jour. Notre propos ici est très pragmatique : que faire dans cette période où les barrières se montent partout ? Que préparer pour « l’après », parce qu’il y aura évidemment un après, quand nous devrons réparer les dégâts qu’ils vont nous laisser et rattraper l’immense retard que nous prenons ?
Très bonne lecture.
Energitorial
À force de tricher, nous voilà prisonniers du piège des prix de l’électricité.
Depuis quarante ans, l’administration française et nos gouvernements successifs ont délibérément triché sur le prix de l’électricité, pour imposer l’idée que l’électricité nucléaire était la moins chère et que nous étions le pays le plus performant du monde en ce domaine. La réalité est bien entendu toute autre, comme le répètent depuis des années quelques lanceurs d’alerte, étouffés par le rouleau compresseur des nucléocrates, qui retirent de cette imposture de très importants moyens financiers. Un article ci-dessous redonne posément les éléments d’évaluation des coûts réels des diverses filière de production électrique. Aujourd’hui, non seulement les nœuds arrivent au peigne : il ne va plus être possible de masquer cette réalité des coûts par la fiscalisation des dépenses (de R&D du nucléaire, de traitement des déchets à longue période etc.), par le sous-provisionnement (des coûts de démantèlement etc.) ou par l’oubli pur et simple (des coûts réels d’assurance etc.), parce que les dépenses sont là, et que même avec ces tricheries, le coût de l’électricité nucléaire explose : le trafic des prix n’est plus possible.
Mais nous allons devoir aussi porter toutes les conséquences de cette politique, qui a conduit le pays sur bien des impasses et bloqué des évolutions qui aujourd’hui nous font cruellement défaut. De plus, nous sommes maintenant pris « en ciseau », comme disent les économistes, entre des coûts dont la réalité explose, et des prix de marché qui chutent, de par l’arrivée des nouvelles filières énergétiques que nous n’avons pas, et la globalisation du marché européen de l’électricité, encore récemment marquée par l’ouverture de la nouvelle liaison THT France-Espagne. Autant dire que nous (c’est-à-dire nos « champions mondiaux » du domaine, EDF, AREVA et autres, dont l’état est actionnaire très majoritaire) sommes pris à la gorge, sans plus de marge de manœuvre. Ainsi, les fournisseurs d’électricité concurrents d’EDF sur le marché français dédaignent l’électricité nucléaire que le législateur français a mise à leur disposition dans des conditions de prix inférieures au coût complet, par la pratique d’un coût marginal (mécanisme de l’ARENH, très politique pour le moins), et préfèrent s’approvisionner sur le marché ouvert de l’électricité européen, où ils ont de meilleurs prix qui vont leur permettre de prendre de bonnes parts de marché à EDF, coincé dans son système.
Détaillons un peu les mécanismes, en comparant avec ce qui s’est passé en Allemagne. Dans ce pays, les particuliers et tout un tissu de petites structures économiques orientées principalement vers le marché intérieur paient aujourd’hui l’électricité deux fois plus cher que chez nous, et ce depuis des années. Les grosses structures, dites électro-intensives, cœur de l’industrie exportatrice allemande, paient en revanche leur électricité à des prix voisins de ceux de nos grosses entreprises. Il n’y a pas de fiscalisation des coûts, pas de CEA, pas de CIGEO etc. payés par les impôts. Tout (ou presque) est dans les prix, et les consommateurs intérieurs ont donc supporté une charge importante qui a permis de financer la mutation du système énergétique, et notamment la sortie du nucléaire avant qu’il ne soit trop tard, et, bientôt, de l’électricité produite grâce aux énergies fossiles. L’Allemagne s’est ainsi forgé une industrie de tout premier plan mondial dans les filières de l’avenir, pendant que nos nucléocrates nous maintiennent à l’âge des diplodocus. Encore aujourd’hui, cette absurde politique de prix, toute orientée vers un système ultra centralisé et de production concentrée, bloque tout projet significatif qui préfigurerait une évolution vers un modèle mieux adapté au monde qui vient, c’est-à-dire mixant localement de la production renouvelable, du stockage et du smartgrid : impossible de trouver un modèle économique viable, entre TURPE, NOME, CSPE et autres joyeusetés « à la française » que vous oppose le système.
Mais il y a beaucoup plus grave : le prix élevé de l’électricité et de l’énergie en général a été un moteur très puissant de réduction des consommations en Allemagne, pendant que l’illusion d’une électricité « pas chère » poussait en France à toutes les dérives, avec la promotion active de notre producteur national pour une consommation effrénée. La meilleure motivation pour réduire et maîtriser ses consommations, ce ne sont pas les miettes (même grosses) des mécanismes de subvention, souvent complexes et pour lesquels vous n’êtes jamais dans les bonnes cases : pour avoir droit aux subventions, il faut souvent n’avoir pas même les moyens de financer le reliquat, et si vous avez quelques moyens, alors vous n’avez plus droit aux subventions. Non, le vrai bon ressort, ce sont les économies que vous allez réaliser, en sonnant et trébuchant. Même Jancovici le dit, même si, bizarrement, il ne parle pas là de l’électricité… (Touche pas à mon nucléaire !) Donc, les Allemands ont fait des progrès extraordinaires en matière d’efficacité énergétique, pendant que nous en sommes près du niveau zéro. À la fois, il fait plus froid chez eux, et ils paient l’électricité deux fois plus cher. Ils ont donc un vrai retour sur leurs investissements d’économies d’énergie. Et ainsi, un ménage allemand consomme près de moitié moins d’électricité que son homologue français, ce qui lui coûte sensiblement la même chose en direct, mais lui en fait économiser autant, comparativement, ceci sans le complément « indolore » (???) sur ses impôts, comme en France, où c’est « noyé dans la masse », sans que personne n’y comprenne goutte…
Et les chiffres parlent d’eux mêmes : pour une population un tiers plus élevée que celle de la France (87 millions d’habitants contre 65), la consommation annuelle d’électricité hors industrie et agriculture s’élève à 265 TWh (50% de la consommation totale), contre 303 (69%). Pour le seul secteur résidentiel, les chiffres sont de 138 TWh en Allemagne (26% de la consommation totale, soit 1,59 MWh/habitant/an) et 165 TWh en France (38% du total, et 2,54 MWh/habitant et par an), donc un excès de 65% par habitant en France. En passant, on note que l’industrie prend 48% de l’électricité consommée en Allemagne (253 TWh), contre seulement 30% en France (131 TWh), non que l’industrie française soit fantastiquement plus performante énergétiquement que l’allemande : c’est tout le contraire et reflète bien le dépérissement, par ailleurs, de nos activités économiques. Mais c’est une autre histoire… qui n’est pas tout à fait sans rapport (histoire de « crates » en tous genres).
Comment sortir de ce piège ? Mystère et boule de gomme ! Mais il est certain que le plus sûr moyen d’y rester est de ne rien faire et de poursuivre les absurdes politiques qui nous ont mis dedans, comme le proposent aujourd’hui, avec une belle unanimité (un tel consensus fait froid dans le dos), tous les partis politiques nationaux, y compris ceux que la soif des postes ministériels convainc d’avaler quelques sacrées couleuvres.
Il n’est pas bien de tirer sur les ambulances, mais que faire quand les ambulances se prennent encore pour des chars d’assaut ?
L’énergie juste !
Sommaire
- Les projets de nos territoires
- Les maisons solaires (première tranche) : Le système de chauffage est opérationnel.
- Et comme un bonheur n’arrive jamais seul : la plateforme bois-énergie se remplit.
- Et à Combourg aussi, on se chauffe au bois.
- La transition en France et dans le monde
- Delendum est RTBA : Ils avancent de trois pas et, Victoire ! Ils reculent d’un.
- Tordre le cou aux âneries rabâchées par les anti-éolien terrestre : Le sénateur PS Jean Germain plus fort que le député UMP Patrick Ollier.
- Le coût de l’électricité d’hier à demain.
- Chroniques de la transition heureuse
- Burlington (VT), première ville des USA 100% électricité renouvelable.
- A vous de jouer !
- On retrousse les manches, on ne lâche rien !
1. Les projets de nos territoires
Les maisons solaires (première tranche) :
Le système de chauffage est opérationnel.
Cela s’est fait tranquillement, entre nous. Les pompes et circulateurs ont été mis en route, avant quelques jours de bon soleil (ça existe encore). Quelques paramétrages, et, au bout d’une petite semaine, la température dans le haut de la cuve avait déjà grimpé à 65°C, suffisamment pour fournir l’eau chaude sanitaire et assurer le chauffage de la maison : 17°C, la consigne donnée (5°C à l’extérieur), très confortable parce que très homogène, sans circulation de convection et avec un air intérieur bien sec. Bien entendu, il s’agit là d’une consigne pour une maison inoccupée, et il ne faudrait pas imaginer que le secret des maisons à dépense de chauffage zéro est précisément la suppression du chauffage. Mais une température homogène plus basse est beaucoup plus confortable qu’une température avec des points plus chauds et des points froids, et des courants d’air entre les deux.
De dehors, c’est… une longère un peu particulière
et, de dedans, c’est… une maison claire et… chaude (l’hiver)
À l’usage, il y aura une phase de paramétrage, réservée au technicien, qui seul accèdera aux placards techniques, et l’habitant n’aura accès qu’à la sonde de température intérieure, dont le bouton de commande ne joue pas sur la consigne (qui est un paramètre), mais sur la pente de réaction du système. Il y aura certainement une phase d’ajustement… mais ça marche en Suisse et en Allemagne, pourquoi pas en Bretagne, dans le Mené ? La transition, c’est aussi entrer dans des processus plus fins, pour utiliser de magnifiques outils, avec, à la clé, zéro consommation de chauffage.
Avis donc aux amateurs d’expériences positives : c’est à louer (et plus si affinités) à partir du début avril !
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul :
la plateforme bois-énergie se remplit.
Il faut un début à tout. Il y a quand même 70 t, dans une travée sur sept.
Une belle journée d’hiver comme il en arrive encore, froide sèche et bien ensoleillée. Quelques beaux chantiers et les premières remorques sont venues charger notre plateforme tout neuve. Très opérationnelle, avec la possibilité de benner jusqu’au fond, ce qui limite ensuite le travail de gerbage du tas (jusqu’à 4 à 5 m.) Ce choix de hauteur, fait notamment pour optimiser la production photovoltaïque, apporte donc de l’efficacité dans la manutention, mais augmente un peu l’exposition aux intempéries par pluie et vent de secteur nord-ouest à nord. Ça arrive…
Nous attendons donc maintenant le raccordement de la toiture PV, qui va se faire, comme d’habitude, avec le maximum de diligence (mais une diligence à un seul cheval, attention !), et la clôture, même (ou surtout) au fin fond de la campagne profonde.
Et à Combourg aussi, on se chauffe au bois.
Depuis la mi-janvier, c’est le bois du territoire qui alimente la nouvelle chaufferie et le réseau de chaleur. Ce n’est jamais simple, et quelques ajustements ont été nécessaires sur le combustible : qualitatifs (trop de fines) et quantitatifs (trop d’approvisionnement pour le rythme de montée en charge du réseau.) Mais les chargés de missions de la CC Bretagne Romantique, déjà bien aguerris par un long projet font face avec beaucoup de dynamisme.
C’est beau… comme Beaubourg.
Et « ça » a de l’appétit !
2. La transition en France et dans le monde
Delendum est RTBA.
Ils avancent de trois pas et, Victoire ! Ils reculent d’un.
Colloque ministériel, pendant
les longues sessions d’hiver : comment faire semblant de vouloir, et
surtout tout faire pour empêcher ?
C’est le petit jeu du mois, entre les ministres de la défense et de l’écologie. Le premier, en silence, multiplie les causes d’interdiction d’implantation d’éoliennes terrestres. Tous les prétextes sont bons, même les plus farfelus, et Dieu sait si, dans ce domaine, les militaires ont de l’expérience. Et, Cocorico ! Madame la ministre de l’écologie annonce, en grande pompe, qu’elle a réussi à obtenir quelques reculs liliputiens. Agitation médiatique à l’usage des gogos et des verts qui voudraient bien revenir aux affaires.
Tordre le cou aux âneries rabâchées par les anti-éolien terrestre.
Le sénateur PS Jean Germain plus fort que le député UMP Patrick Ollier.
C’est l’auteur du génial amendement au projet de loi de transition énergétique, véritable arme atomique, qui pulvérise tous les projets d’éolien terrestre en France : interdire toute éolienne à moins de 1 km des habitations. Est-ce que M. Germain a trouvé un lobby deux fois plus puissant que celui qui influençait M. Ollier quand il avait fixé cette limite à 500 m ? L’argumentation vaut son pesant de pois chiches : « Pour des raisons médicales, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont fixé une distance minimale de 1,5 kilomètre ; les États-Unis qui ne sont guère connus pour appliquer le principe de précaution, 2 kilomètres ». Je n’ai pas de temps à perdre pour aller voir dans le détail ce qui se passe en Grande-Bretagne ou aux USA, mais pour ce qui est de l’Allemagne, cette mesure a été prise récemment par le Land de Bavière, où il y a une certaine résistance « bobo » à l’éolien. Mais d’une part, la ressource éolienne est faible en Bavière, donc peu d’enjeu, et la contrepartie sera en termes de lignes THT pour amener le courant de l’éolien offshore des mers nordiques. Parce que les Bavarois, comme tous les Allemands, ne veulent plus ni du nucléaire ni du charbon. Dans les autres Länder, on trouve fréquemment des éoliennes à quelques dizaines de mètres des habitations. Et savez-vous, Monsieur le sénateur, ce ne sont pas devenues des cimetières !
Pourtant, le Grand Voltaire nous a avertis !
Mais là comme ailleurs, enfumez, enfumez, il en restera toujours beaucoup dans les têtes farcies par des médias qui ne recoupent jamais les affirmations, surtout avec la caution de l’autorité d’un « respectable » élu de la nation.
Le coût de l’électricité d’hier à demain.
En travaillant sur les questions de prix et de coût de l’électricité en France et en Allemagne, je suis tombé sur un rapport très bien fait qui m’avait échappé lors de sa parution en juin 2014. Produit par Greenpeace France, c’est à la fois une synthèse et un synoptique de nombreux rapports et études tout ce qu’il y a de plus sérieux et officiels sur le sujet : Cour des comptes française, ADEME, AIE (Agence Internationale de l’Énergie, dépendant de l’OCDE et dirigée aujourd’hui par M. Fatih Birol), EIA (Energy Information Administration, organisme du gouvernement US), IRENA (agence internationale des énergies renouvelables), Fraunhofer Institut (établissement de recherche allemand dans le domaine de l’énergie), EWEA ( European Wind Energy Association) etc. plus des experts indépendants comme Global Chance ou Wise Paris. C’est très sérieux et rigoureux.
Quelques courbes donnent une vision de l’évolution dans les décennies à venir, telle qu’elle se dessine déjà :
Le coût faible et encore en baisse du MWh éolien terrestre, la forte chute du coût du MWh photovoltaïque, qu’on observe déjà depuis une dizaine d’années, et même celle du coût du MWh éolien offshore, qui n’aura peut-être pas l’ampleur indiquée, mais sera certainement sensible.
Un système bâti par des visionnaires…
poussé et soutenu par des zozos qui passent,
ou qui s’incrustent…
alors que les solutions sont bien connues !
Pour le MWh nucléaire, c’est le coût de production des réacteurs actuels prolongés de vingt ans. Les hypothèses prises sont d’une part celles de la Cour des comptes, avec une mise à niveau de la sécurité des réacteurs correspondant à celui de l’EPR, d’autant plus nécessaire qu’il s’agit de matériels déjà bien fatigués par 40 ans d’exploitation et pleins d’incertitude, comme le montrent les expertises sur les réacteurs belges. En fait, c’est ce niveau de sécurité qui s’avère le plus coûteux, et sur lequel on s’apprête à faire de calamiteuses économies (voir la remarque en p.4 du rapport : « Le choix d’une prolongation du parc nucléaire qui limiterait la hausse des coûts de production de l’électricité nucléaire, et assurerait sa rentabilité face aux énergies renouvelables, conduirait à un niveau d’investissement entraînant une dégradation du niveau de sûreté des réacteurs. »). Mais, même au rabais, ce coût du MWh sera bien supérieur à celui de l’éolien terrestre, comme c’est déjà le cas depuis plusieurs années, nous le verrons ci-dessous. Si on remplaçait les réacteurs actuels par des EPR, la situation ne changerait pas fondamentalement, puisque le coût de production s’établirait, pour les plus optimistes, autour de 100 Euros/MWh (il s’agit de coût et non de prix de vente par le producteur, avec sa marge, comme les chiffres donnés pour les EPR de Hinkley Point).
Le résultat est très clair et appelle plusieurs remarques :
- Toutes les hypothèses d’évaluation de coût du nucléaire sont celles de la Cour des comptes, qui s’appuie sur les éléments fournis principalement par les experts de l’industrie nucléaire. Elles sont encore systématiquement sous-évaluées, que ce soit le coût du démantèlement, aussi bien que celui du traitement des déchets à longue durée de vie.
- La question de la prise en compte, dans le coût, du risque d’accident nucléaire de type Fukushima est totalement éludée. La Cour des comptes a donné des évaluations du coût d’un tel accident, mais ne l’a pas traduit en termes d’assurance.
- Enfin, la question des coûts échappant par fiscalisation à la prise en compte dans les coûts est également « oubliée ». Cela concerne notamment toutes les dépenses de R&D qui se sont étendues sur plusieurs décennies, avec quelques projets coûteux.
Il est probable que la prise en compte de ces éléments, sur le futur, mais aussi sur le passé, augmente encore les coûts de quelques dizaines d’Euros par MWh, selon le calcul de prime d’assurance.
Nous le répétons depuis longtemps : il y a déjà belle lurette sans doute que le coût du MWh éolien terrestre est inférieur à celui du MWh nucléaire, avec chacun leurs contraintes propres d’exploitation. Et cela va, nous l’avons vu, s’accentuer encore. C’est sans doute pour ça qu’il est urgent de bloquer son développement, grand jeu auquel se livrent les médias, les associations « ad hoc » stipendiées par l’industrie nucléaire, et les élus nationaux qui ont véritablement, à ce stade, fait de la loi de transition énergétique l’arme « atomique » contre l’éolien terrestre. Consternant !
3. Chroniques de la transition heureuse
Burlington (VT)
première ville des USA 100% électricité renouvelable
L’été, ça ressemble à la Riviera
Ce ne sont donc pas ces cités du sud ou de l’ouest des USA, qui y travaillent de manière très démonstrative, avec leurs fortes ressources de vent et de soleil. C’est une ville du nord-est, la plus peuplée de l’état du Vermont (42 000 habitants), sur le bord du lac Champlain. Il n’y fait pas bien chaud actuellement : cela se situe au cœur de la zone touchée par les froids polaires et les chutes de neige géantes qui ont atteint l’est du Canada et le nord-est des États-Unis, avec des températures, en cette fin février, de -8°C dans la journée et jusqu’à -20°C la nuit. Le lac Champlain est gelé : on y fait du ice-boat, espèce de char à voile sur patins, et on y pèche, en creusant des trous dans la glace, ce qui donne l’occasion de parties dans des baraques installées sur la glace. L’été est beaucoup plus chaud, bien sûr, mais, été comme hiver, les éoliennes tournent et les panneaux PV produisent leur courant, quand on a dégagé la neige qui s’est déposée en abondance. Apparemment, l’hydroélectricité fonctionne encore suffisamment l’hiver, malgré le gel, parce qu’elle représente la deuxième source d’électricité de la ville (30% du besoin), principalement sur la rivière Winooski, un cours d’eau qui descend des petites montagnes environnantes, après avoir arrosé Montpelier, la capitale du Vermont, la plus petite des USA (7 000 habitants). Ceci dit, le pic de la demande d’électricité est en été, probablement à cause des climatisations, parce que, bien entendu, il n’est pas question, ici non plus, de se chauffer à l’électrique, décidément exception française, ou presque.
L’hiver, on glisse sur la glace,
quand la neige le permet.
En fait, la démarche de Burlington Electric Department, la régie municipale de la ville ressemble à beaucoup d’autres, avec des arrangements pragmatiques « à l’américaine ». Quand, au début des années 80, il s’est agi de remplacer une vieille centrale au charbon, c’était peu après l’accident nucléaire de Three Mile Island qui fit trembler les USA pendant quelques jours, les responsables locaux prirent conscience de toute la fragilité du système électrique et du risque économique également. Ils ont alors pris la décision de recourir au bois, très abondant alentour, pour alimenter une centrale biomasse de 50 MW, installée tout près de la ville, et qui a longtemps été la plus puissante du monde. Cette centrale a donné lieu à beaucoup de travaux de recherche sur la filière biomasse et sa puissance a été réduite de moitié, pour mieux coller à une ressource qui doit être durable. Elle fournit 45% de l’électricité consommée par la ville.
Sinon, du bois (25 MW, 100 000 t de bois/an),
la précieuse Winooski river,
Le complément est fourni par l’éolien, et un peu par le photovoltaïque, mais on voit clairement sur les photos qu’ils ne sont pas, dans ce domaine, dans une dynamique à l’allemande, où tous les toits se couvrent de panneaux PV : quelques toitures et un parc au sol, pour une production un peu anecdotique, de l’ordre de 1%. Il est vrai que la neige est un réel problème pour les productions d’hiver, quand le ciel devient bleu, mais qu’une épaisse couche recouvre les panneaux. D’autres pays, comme l’Autriche, l’ont résolu.
et du vent,
même l’hiver.
Donc, un 100% renouvelable qui doit être un peu relativisé, même si globalement Burlington Electric Department produit chaque année à peu près autant d’électricité que n’en consomme la ville. Mais une démarche néanmoins typique et intéressante, fondée sur la prise de conscience des risques et fragilités physiques et économiques des énergies fossiles et fissiles, démarche qui a été acceptée par la population, qui a supporté l’effort d’investissement quand le fuel était bon marché, et qui aujourd’hui permet de réaliser, à l’échelle de cette ville, environ 1 M$ d’économies par an par rapport solutions classiques, avec de la création d’emplois locaux, du versement de taxes et un système neutre carbone.
Le bilan électrique annuel est ainsi le suivant :
Hydraulique : 111 GWh ; Biomasse (bois) : 160 GWh ; Éolien : 66 GWh ; Autres renouvelables (dont PV) : 3 GWh. Soit un total renouvelables de 340 GWh.
Avec des échanges de 70 GWh vendus, pour 87 GWh achetés, soit un solde négatif de 17 GWh, et donc une consommation annuelle de 355 GWh.
Même les États-Unis finiront par y arriver. À quand la première ville française de cette taille 100% électricité renouvelable ?
En effet, les allemands consomment beaucoup moins d’électricité que les français dans le secteur résidentiel.
Une étude le confirme, 3.600 kWh/an pour un ménage en Allemagne et 6.000 kWh/an pour un ménage en France.
http://energeia.voila.net/electri2/electricite_residentiel_france_allemagne.htm
Le secteur résidentiel a représenté 36,6 % en France et 26,8 % en Allemagne de la consommation totale d’électricité en 2010. La consommation moyenne d’électricité des ménages français est de 67 % supérieure à celle des ménages allemands.
A voir aussi, très intéressant, les profils de consommation d’un ménage au cours de la journée, à différentes périodes de l’année et pour différents jours (semaine, samedi, dimanche) en France et en Allemagne.
Des commentaires toujours très précieux de notre ami Tabula. Son site est une vraie mine d’informations, et je suis heureux de constater que les chiffres que nous avons donnés, moins complets que le siens, correspondent. Il n’a pas été facile de les trouver: d’une part, que son site n’est pas apparu lors de mes recherches, et d’autre part, les statistiques de comptabilisation des énergies consommées ne se font pas tout à fait dans les mêmes catégories en France et en Allemagne. Ne perdons pas de vue la démonstration que venaient étayer ces chiffres : La politique de prix de l’électricité en France a découragé toute démarche d’économie d’énergie par les ménages, alors que les « vrais » prix étaient très incitatifs en Allemagne. Et maintenant, quand les moyens financiers se font de plus en plus rares, tant au niveau des ménages que de l’état, pour ne pas parler de l’industrie de l’énergie, nous voilà « au pied du mur » et pour dire vrai, les « pieds… dedans » !