Énergéthiquement vôtre
Ce mois-ci, focus sur un sujet important, en relation directe avec notre Webconférence du 10 décembre : comment rompre avec la désinformation générale sur les énergies renouvelables et la déformation des élèves ingénieurs en école ? Vaste programme, comme aurait dit le brigadier. Mais indispensable pour sortir du cercle vicieux des promesses jamais tenues et de l’absence de volonté politique : les énergies renouvelables, ça marche, et elles pourront remplacer dans de bonnes conditions les énergies fossiles et fissiles. Il faut que ça se sache !
N’OUBLIEZ PAS LA DATE LIMITE D’INSCRIPTION A LA WEB CONFERENCE : LE 2 DECEMBRE (Cliquez ici)
Très bonne lecture.
Energitorial
Les énergies en France : le verrouillage de l’information et de la formation des « élites »
Ce mois de novembre m’a donné l’occasion, comme deux articles le relatent ci-dessous, de vérifier de nouveau combien l’information et la formation dans le domaine des énergies sont complètement verrouillées et à sens unique. Les astucieux qui s’occupent de ça prennent bien soin d’ouvrir quelques fausses fenêtres, pour donner une illusion de liberté et de pluralisme. Mais si vous défendez des démarches résolument sans énergies fossiles ni fissiles, qui deviennent la règle chez nos voisins, et surtout, si vous dénoncez ceux qui s’opposent résolument à leur mise en œuvre, vous n’avez aucune chance d’accéder aux médias de masse ni aux charges d’enseignement dans les écoles qui forment les futurs cadres du système. Tout est soigneusement verrouillé : du côté des médias par la manne publicitaire, instrument très dissuasif à une époque où ils dépendent plus des annonceurs que de leurs lecteurs. Et du côté de la formation, par la cooptation de ceux qui sont admis à intervenir. C’est un système bouclé, un chien qui cherche à se mordre la queue, et qui maintient l’ensemble de nos concitoyens, chacun à son niveau, dans une ignorance qui fait bien rire chez nos voisins, mais qui va avoir de graves conséquences pour nous.
Il y a aussi des petits malins, notamment quelques bureaux d’études, qui se sont donné une stature de gourous des énergies renouvelables, tout en s’abstenant soigneusement de dénoncer comme il le faudrait les obstacles mis à leur développement, et surtout ceux qui les mettent : en échange de généreux contrats d’études (études qui consistent souvent à reprendre ce qui a été fait à l’étranger), ils servent de caution, en restant « bien dans les clous ». C’est bien normal, il ne faut pas cracher dans la soupe. Ils sont invités dans les comités Théodule, ou « scientifiques », dans les graves occasions, comme les grand-messes qui agitent le Landerneau énergétique et environnemental tous les trois à cinq ans. Et surtout, que rien ne bouge ! C’est la théorie de l’élastique : pour se dédouaner vis-à-vis de ceux qui attendent avec quelque inquiétude un changement de politique, ils prétendent que, par leur présence, ils portent le message des énergies renouvelables, et patati. En fait, plus ils sont là et plus ça bouge moins, au-delà de quelques belles paroles et objectifs affichés sans l’ombre d’une détermination politique pour les atteindre. Mais ils ne peuvent en dire trop, sinon l’élastique serait rompu, ils n’auraient plus le droit d’avoir un strapontin dans ces comités pour y faire entendre leur (petite) voix, et seraient aussi privés des contrats qu’ouvre leur prudence complice. Le problème avec l’élastique, c’est qu’il rappelle toujours le plus léger vers le plus gros, et non l’inverse.
Il y a urgence à résolument prendre le problème à l’envers : porter à la connaissance du plus grand nombre, grâce à ce « petit » média qu’est le net, avec ses énormes possibilités virales, ce qu’il est possible de faire chez nous, à l’instar de ce qui se fait déjà chez nos voisins pour se chauffer, s’alimenter en électricité et se déplacer sans recourir aux énergies fossiles et fissiles.
Sommaire
- Les projets de nos territoires
- Les maisons solaires (première tranche) : ça commence à chauffer…
- La plateforme bois-énergie communautaire, dans une bonne tradition française…
- À Kassel, au congrès des régions 100% énergies renouvelables
- La transition en France et dans le monde
- Delendum est RTBA : la météo se met au beau. A quand les militaires ?
- « L’énergie nucléaire, c’est l’indépendance énergétique de la France ! »
- Transition énergétique, une nouvelle chanson : le combat du rationalisme scientiste à l’ancienne (sonnant et trébuchant) contre l’irrationnel malthusien paupérisant ?
- Chroniques de la transition heureuse
- Wildpoldsried, village bavarois.
- A vous de jouer !
- Le prix du pétrole s’effondre, le gaz va suivre, « mécaniquement » : et alors ?
1. Les projets de nos territoires
Les maisons solaires (première tranche) :
Ca commence à chauffer… à l’électricité ! Car il ne vous aura pas échappé que les capteurs solaires ne sont toujours pas montés en toiture. C’est donc la résistance complémentaire de l’ECS qui travaille, à grand feu… nucléaire. Cela ne devrait pas durer, et le soleil va bientôt prendre le relais, même si la saison hivernale dans laquelle nous entrons risque bien d’être très atypique, du fait du démarrage tardif. Il y a encore quelques menus « détails » à achever, avant que l’occupation des lieux et la mise à l’épreuve du système soient possibles, comme vous pouvez le constater sur les photos.
Et comme je suis sûr que la saga des maisons solaires (première tranche) vous a passionnés, d’une part elle n’est pas finie (encore quatre à cinq mois), et d’autre part, nous vous attendons pour la deuxième tranche qui va s’engager au premier trimestre 2015.
Toujours pas de capteurs solaires en toiture
Les enduits sèchent. Le gris devrait s’éclaircir…
La plateforme bois-énergie communautaire
dans une bonne tradition française…
a pris un peu de retard (nous n’en sommes pas encore à cinq ans, comme à Flamanville, je vous rassure) et contrairement à nos espoirs, je doute qu’elle ait commencé à se remplir d’ici la fin de l’année. Tout le système photovoltaïque est en place. Il ne manque plus que la ligne et les branchements réseau. Mais là, ce n’est pas du retard, c’est du freinage délibéré d’une organisation globale qui fait tout pour ralentir le développement du PV. Donc, quelque part au premier trimestre, cet investissement de plus de 100 kEuros pourrait commencer à produire au prix de 13,25 cEuros par kWh.
La dalle en béton va être coulée ce lundi
Les panneaux PV occupent tout le surface.
Les armoire onduleurs sont à l’angle extérieur
À Kassel, au congrès des régions 100% énergies renouvelables
Une grosse manifestation, en plein centre de l’Allemagne : 650 personnes du monde entier, pour apprendre et discuter, pendant deux jours, des problématiques du développement des énergies renouvelables. Nous y étions pour un « évènement dans l’évènement » : la première cérémonie européenne de labellisation des collectivités 100% renouvelables, dont fait partie le réseau français TEPos, animé par la CLER et son animateur vedette, Yannick Régnier. Les Allemands se sont taillés la part du lion, avec 8 labellisés, dont le Landkreis d’Osnabrück (2121 km², 350 000 habitants !), suivis de près par les Autrichiens. Nous étions deux territoires français. Il y avait aussi présents des Polonais, des Tchèques, des Bélarusses, etc…
Un élu de Fukushima en grande discussion sur le stand des coopératives d’énergie
Mais surtout une délégation de Japonais de Fukushima, dont des membres de la municipalité : très émouvant d’entendre raconter l’incertitude qui plane désormais sur leur vie et celle de leurs proches, dans une contrée où on ne sait pas précisément ce qui est contaminé, avec tout ce que cela signifie, et ce qui est sain. Mais bien sûr, le nucléocrate vit dans une chape de plomb, bien loin et à l’abri des radiations… et des émotions : il est sûr de lui.
Ce qui frappe dans ce congrès en Allemagne, c’est la nature des débats : la question n’est plus du bien-fondé, c’est acquis, ils sont en mouvement ; ni non plus de la technique, elle est maîtrisée. Ce sont les aspects organisationnels et économiques qui dominent, avec une très forte présence des régies municipales ou territoriales (Stadtwerke), qui se multiplient dans tout le pays, et des coopératives de producteurs/consommateurs locales, qui occupent une place désormais prépondérante dans le montage de projets. Quel contraste avec notre chape de plomb à nous, qui prétend tout interdire pour garder la main sur tout.
Enfin, dans les lieux publics et notamment les gares de la Hesse, tout un matériel de communication omniprésent, même au sol dans les allées des gares, qui manifeste la détermination et la fierté de ces régions de devenir « 100Prozent EE » : pas de demi-mesures, la NordHesse 100% énergies renouvelables maintenant !
Le réseau allemand, créé et animé par Peter Moser, professeur à l’Université de Kassel
L’affiche omniprésente dans tout le nord du Land de Hesse
2. La transition en France et dans le monde
Delendum est RTBA : la météo se met au beau. A quand les militaires ?
On sait bien qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, mais l’espoir fait vivre : un assouplissement des contraintes d’installation d’éoliennes au voisinage de radars météo vient d’être pris le 6 novembre. C’est un peu symbolique, et l’interdiction est maintenant partiellement remplacée par une procédure (de plus), sur la base d’une démonstration d’absence d’impact à apporter. La météo, c’est l’art (la science) du décryptage des signes précurseurs des bouleversements atmosphériques. Un jour peut-être peut-on espérer que les militaires seront aussi intelligents que les météorologues, dans l’intérêt de l’espèce (humaine). Mais les processus de l’évolution sont bien long hélas (surtout tant qu’on choisira les généraux parmi les colonels : vieille blague antimili.)
Et puis, au-delà des radars, il nous restera cette question du RTBA, dont, nous dit-on, Madame Royal (dont le frère Benoît est général) s’est, paraît-il émue auprès de son collègue de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui a bien oublié le temps où il était élu local breton. Mais là, on tombe dans la « grande » politique… (à suivre)
« L’énergie nucléaire, c’est l’indépendance énergétique de la France ! »
C’est ce qu’ont pu apprendre, vendredi 21 novembre, lors d’une conférence-débat, les étudiants d’une prestigieuse école rennaise qui forme des chercheurs et des enseignants du supérieur, de la bouche de la directrice adjointe de la communication du CEA. Le CEA, c’est un de ces mammouths comme aime à les entretenir l’état français : 15 000 personnes qui, depuis 70 ans, font beaucoup dans l’énergie atomique (c’est dans son nom : commissariat à l’énergie atomique), mais qui essaie aujourd’hui de jouer les caméléons, en prétendant aussi travailler pour les énergies « alternatives », avec l’ambiguïté des initiales. Un mammouth qui veut jouer les caméléons, c’est encore plus grotesque qu’une grenouille qui veut se faire aussi grosse qu’un bœuf !
et la « base » française de Madama, au nord Niger : pas sûr que ceux qui sont là-bas soient convaincus par les textes de la DGEC, mais ils ont signé, c’est pour en ch… !
Quant aux coûts de cette opération de défense de la démocratie des cailloux (environ 1 mrd Euros à ce jour), soyez sûrs que la cour des comptes ne les imputera pas à l’uranium, mais que vous les retrouverez… dans vos impots, comme le reste. Ainsi, non seulement nous resterons hyperindépendants énergétiquement, mais notre électricité restera « la moins chère du monde ».
Qu’est-ce qu’on dit ?
Et donc, parmi nombre d’autres énormités, la bonne dame a dit « ça », qui est la doctrine de l’état français, telle que présentée dans des documents de la DGEC (pour les non-initiés : direction de l’énergie et du climat, au ministère), derrière lesquels elle s’est retranchée avec autorité : « nous sommes indépendants parce que nous produisons l’électricité sur le sol français ». C’est un peu comme si vous décrétiez que vous êtes, chez vous, indépendants électriquement parce que vous avez les prises de courant, ou si on prétendait être indépendants pour les carburants parce que l’essence et le fuel sont produits dans des raffineries sur notre sol (ce qui est d’ailleurs de moins en moins vrai.)
La vérité, c’est que toute l’énergie primaire, le fameux uranium, est importé, pour un coût annuel de 1,5 Mrds d’Euros. Et il ne vient pas que de chez nos amis « sûrs » : une partie vient bien du Canada, mais une seconde vient du Kazakhstan, ce pays ami et voisin de la Russie, avec qui nous sommes plutôt en délicatesse (coup de Mistral…), et le reste du Niger. Pour assurer le coup, le président de ce pays n’est autre qu’un ancien directeur d’Areva Niger, et, si on en croit le député Pascal Terrasse, Areva lui a acheté, pour un montant de 32 MEuros, un avion présidentiel (rapport Caresche, commission des lois, enregistré le 10 septembre 2014, p. 56). Et tout va si bien entre nos deux pays que notre premier ministre s’y est rendu le dimanche 23 novembre pour encourager les 500 militaires qui y sont engagés dans l’opération Barkhane (comme leurs camarades tout autour, au Tchad et au Mali voisins), tout autour des gisements d’uranium d’Areva, « pour défendre la démocratie et les valeurs de la république face à la barbarie des islamistes d’AQMI et d’EI » ! C’est proprement ce qu’on a appelé, un temps, l’indépendance « bananière », du Niger comme de l’électricité française.
Mais plus c’est gros, plus ça passe : il était difficile à tout ce monde de fonction publique, face à autant d’autorité supérieure, de se récrier face à des bobards « à faire hennir les constellations », comme l’écrivait un de nos grands auteurs iconoclastes. D’autant que ces étudiants, ils ont leur avenir à faire, pour devenir un jour peut-être patron de labo ou professeur d’université. Alors, ils se réfugient dans la science et la technique triomphantes, bien étroitement dans l’idéologie de leur école, ce qui leur évite la tentation de poser des questions qui pourraient leur coûter une alléchante bourse de doctorat au CEA (elles sont, m’a-t-on dit bien généreuses) ou un futur poste. On les comprend : les temps sont si durs !
Arlit, le centre de l’indépendance électrique de la France : c’est chaud, à tous les sens du terme
C’est un passant, là « par hasard », qui vint dire que le roi était plutôt nu et troubler ainsi cette félicité endogène. La dame en parut fâchée : on les avait sans doute rassurés sur la docilité de l’auditoire, et c’est pour cela que, face à tout un aréopage de scientifiques, le CEA n’avait envoyé qu’une attachée de presse montée en grade.
Triste soirée, dans le fond, mais qui a permis ensuite, en coulisses, de retrouver avec plaisir quelques valeureux combattants, certains très impliqués et néanmoins heureux de n’avoir pas eu à trop s’exposer sur ce coup-là.
Les installations d’Areva à Arlit (Niger)
Le front « chaud » de l’opération Barkhane
La rude lutte pour la démocratie des pierres, face à l’horreur islamiste
Transition énergétique, une nouvelle chanson
le combat du rationalisme scientiste à l’ancienne (sonnant et trébuchant) contre l’irrationnel malthusien paupérisant ?
Un de mes lecteurs m’a transmis un article qui m’avait échappé, tant je suis peu assidu à la lecture de « la Jaune et la Rouge », la revue des anciens élèves de l’école polytechnique. C’est une de ces voix de la pensée dominante en France : on ne s’en étonnera pas. L’article, où s’exprime un brillant polytechnicien (X80, corps des ponts, MIT, président d’une société de chimie de plus de 4000 collaborateurs, leader mondial dans son domaine), présente une nouvelle argumentation contre une transition énergétique vers les énergies renouvelables. Enfin, nouvelle par les éléments mis en avant, mais pas du tout par la philosophie qui la sous-tend. Dans le fond, ce monsieur est un croyant de la technoscience : il n’y a pas de problème que nos brillants scientifiques et ingénieurs ne parviendront à résoudre. On est ainsi en pleine dialectique entre un malthusianisme rétrograde, limite décroissance, et un progressisme flamboyant.
Vive les sables bitumineux! l’extraction ressemble un peu à celle de l’uranium, au début.
Après… heureusement qu’il y a les polyacrylamides du monsieur : ça craint !
Il faut maintenant dire que l’entreprise de ce monsieur est spécialisée dans les produits floculents à base de polyacrylamides. C’est un produit miracle qui augmente la viscosité de l’eau et permet ainsi, par exemple, de réduire le volume d’eau nécessaire à l’injection pour la fameuse fracturation hydraulique, procédé d’extraction des hydrocarbures emprisonnés dans la roche mère (cas des dits « gaz de schiste »). Cela permet aussi de récupérer l’eau mélangée à d’autres substances, pour la purifier, par exemple dans les processus d’extraction d’hydrocarbures des sables bitumineux. Bien sûr, toute une littérature vous assure qu’il suffit ensuite de chauffer l’eau floculée pour séparer ensuite les deux produits : une eau plus pure que de source d’une part, et les fameuses polyacrylamides d’autre part, bons au réemploi. Sauf que ce produit est, comme son nom l’indique, un polymère de la molécule d’acrylamide : si tout le monde semble à peu près d’accord sur l’innocuité du polymère, la molécule de base est un neurotoxique, et une revue rapide d’articles montre que certains n’excluent pas que le polymère puisse se dissocier, libérant ainsi la substance toxique, qui reste dans l’eau, bien sûr.
Sur la base de quoi, ce monsieur explique que, notamment grâce à ses produits et aux progrès de la recherche et de l’extraction pétrolière, le peak oil n’est qu’une mauvaise blague du passé et qu’il n’est pas question que le monde manque en aucune manière des hydrocarbures qu’il consomme à tire larigot :
« – En 2040, le pétrole et le gaz constitueront encore 60 % de l’approvisionnement total en énergie de la planète et le gaz sera devenu la deuxième source d’énergie, derrière le pétrole et devant le charbon,
– Les réserves exploitables de pétrole du globe sont évaluées par l’institut américain US Geological Survey à 125 années de consommation. Le même institut évaluait ces réserves à 55 années en 1980,
– Les réserves exploitables de gaz sont estimées à environ 200 années de consommation,
– En 2040, la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial aura triplé alors que la part des énergies dites renouvelables restera inférieure à 4 %. »
C’est repris du récent rapport d’Exxon Mobil sur l’énergie en 2040. Autant dire que c’est parole d’évangile, beaucoup plus que les rapports de l’AIE (agence internationale de l’énergie) et les démarches à rythme forcé de nombreux pays, pas seulement européens et « riches », vers les énergies renouvelables pour tous les usages. Il est vrai que, face aux investissements pharaoniques des compagnies pétrolières en recherche-exploitation qu’évoque notre homme (700 milliards de $ en 2013), les renouvelables n’ont qu’à bien se tenir.
Avant d’aller plus loin, nous dirons un petit mot de l’aspect tout à fait secondaire (effet collatéral du progrès) qui n’est même pas évoqué dans l’article : l’impact sanitaire de cet usage effréné de produits chimiques dans toute cette course à la production à outrance. Bien sûr, nous n’allons pas aujourd’hui incriminer ses polyacrylamides. N’ayant pas travaillé le sujet, nous n’avons aucun élément pour et ce sera sans doute, comme dans tous ces cas-là, bien difficile d’isoler l’effet de tel ou tel produit. Mais nous ferons simplement remarquer qu’en notre époque où la croissance est proche de zéro, la seule chose qui croît encore, ce sont les maladies dites de civilisation, au premier rang desquelles les cancers, pour ne parler que d’eux. Mais, bien sûr, on nous rétorquera que non seulement nous avons en France les meilleurs ingénieurs, mais nous avons aussi les meilleurs médecins, la meilleure industrie pharmaceutique et le meilleur système de santé. À se demander comment notre pays peut si mal marcher avec tant de champions ! Et donc, croyons encore une fois au progrès : nous trouverons bien de quoi faire que les malades meurent guéris, au prix de protocoles de plus en plus coûteux, ce qui est une chance, parce que cela contribue fortement à la croissance du PIB, donc à la baisse du chômage etc. La boucle est bouclée : plus vous faites mal, mieux c’est, parce que vous donnez l’occasion à d’autres de faire encore plus mal, tous racontant, à force médias stipendiés par les énormes profits, qu’ils font bien.
Du coup, vous avez tout à fait le droit de préférer les gaz et pétrole de schiste : question de goût, mais, en général, on ne choisit pas. On a l’un ou l’autre. De toutes façons, il refourgue des polyacrylamides dans les deux cas ! En fait, c’est un peu un bienfaiteur de l’humanlté.
Et s’ensuit sa vision de la transition énergétique réaliste, rationnelle et progressiste : toujours plus d’hydrocarbures et de CO2. Rien ne nous sera épargné ; c’est un hymne au productivisme à l’ancienne, seul garant de notre compétitivité et ainsi de notre santé économique. Même l’IFRAP (Institut Français pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques, fondation au financement opaque, mais ayant obtenu la reconnaissance d’utilité publique, ce qui permet aux donateurs de réduire substantiellement leurs impôts) est appelé à la rescousse : les énergies renouvelables, c’est le chaos économique et bientôt social, en s’appuyant, bien sûr sur les rapports de l’état, dont celui de la cour des comptes. Nous répétons une fois de plus que ce rapport sur le coût des énergies ne prend pas en compte une grosse partie des coûts du nucléaire. Sur ce sujet, un petit (par le format) ouvrage du Mouvement Utopia, « Nucléaire Pour lutter contre les idées reçues » remet bien les idées en place, contre les bobards colportés par tous ces organismes de l’état nucléocrate.
Et nous en arrivons donc à ses propositions :
« – Maintenir en fonctionnement les centrales nucléaires certifiées par l’autorité de sûreté,
– Construire en permanence un à deux réacteurs nucléaires en France et lancer en particulier à l’horizon 2017 la construction de l’EPR de Penly,
– Évaluer le potentiel en gaz et pétrole de schiste et si les ressources sont présentes et économiquement viables passer à la phase d’exploitation,
– Supprimer les subventions et obligations d’achat aux technologies non compétitives et laisser la recherche améliorer leurs performances. »
Mais la densité de population est de 3,7 habitants/km²
Bien sûr, il pense à l’avenir de sa boutique, avec le développement des hydrocarbures non conventionnels, mais il n’oublie pas ses camardes qui fleurissent dans les prairies du nucléaire, qu’il convient de laisser bien vertes. Tant pis si Flamanville et autres ne marchent pas. Cela va venir, il est urgent de poursuivre la fuite en avant. Et surtout tordre le coup aux renouvelables, en jetant à la fois les (très) bon marché (éolien terrestre, photovoltaïque etc.) avec les ruineuses (éolien offshore, hydrolien), tellement poussées par l’état qu’on se demande si ce n’est pas pour couler les autres.
Il est quand même étonnant que ce cher camarade n’ait pas un instant tourné ses regards vers nos voisins, par exemple germaniques, qui vont tranquillement arriver à se passer des énergies fossiles et fissiles. Mais peut-être ne parle-t-il ni ne lit-il la langue allemande, ou n’a-t-il décidément pas de temps à perdre ?
Et nous finirons par un petit couplet sur le réchauffement climatique, qu’il a tout de suite écarté de ses préoccupations, en estimant que l’usage du nucléaire dispensait la France de tout effort de réduction des émissions de CO2. D’où l’autorisation à la débauche d’hydrocarbures. Et, puisque nous nous trouvons là à l’épicentre de la planète Shadok, j’ajouterai qu’il y a un moyen bien simple de lutter contre le réchauffement : il suffit de se doter de nombreux réfrigérateurs et de les faire fonctionner porte ouverte. En plus, on consommera des tas de réfrigérateur et beaucoup d’énergie pour les faire fonctionner. Vive le progrès, vive la croissance échevelée ! Un jour, même les arbres (OGM, ou mieux, cyber, bien sûr) grimperont jusqu’au ciel !
3. Chroniques de la transition heureuse
Wildpoldsried, village bavarois.
Après tous ces détours dans de bien peu engageantes contrées, à la suite des élucubrations de nos technocrates, un petit tour dans une verte et riante campagne : une vraie carte postale ! C’est tout au sud de l’Allemagne, au pied des Alpes, tout à côté du Bade Wurtemberg, en Souabe. C’est comme un conte de fée: « L’histoire a commencé en 1997, lorsque le maire de Wildpoldsried, Arno Zengerle, et le conseil municipal ont décidé de revitaliser la communauté et d’encourager la croissance sans endettement. La ville a adopté le plan novateur WIR 2020, destiné à réinventer Wildpoldsried grâce aux énergies renouvelables, aux bâtiments verts et à une protection des ressources en eau. Dans ce plan, la ville avait fixé un objectif de production de 100 % de son électricité à partir d’EnR en 2020. Les choses se passèrent beaucoup plus rapidement que prévu. » (d’après Casabee)
Le maire, Arno Zengerle, clé essentielle du succès.
En faisant tout bien, en 17 ans, par une exploitation rigoureuse de leurs ressources renouvelables, ce village de 2600 habitants couvre cinq fois ses besoins en énergie. Ils revendent le surplus, bien sûr, pour aller alimenter les gigantesques besoins des concentrations urbaines du sud de l’Allemagne. Comme ça, tout le monde s’y retrouve.
Il n’y a rien de plus que ce qui pourrait (devrait) se trouver dans la plupart des communes rurales de notre pays : 5000 kWc de panneaux photovoltaïques, sur tous les toits (on rappelle que, en ce bas monde, le soleil luit pour tout le monde, même si, comme le faisait justement remarquer un récent président de la république française, ça ne marche pas la nuit) ; 11 éoliennes, achetées deux par deux, exclusivement propriété de 300 habitants, pour une puissance de plus de 12 MW ; une gestion consommation/production de l’électricité par un smart grid monté par une coopérative d’énergie ; 32 voitures électriques ; une chaufferie à bois de 400 kW, qui chauffe tous les bâtiments publics et plus de 100 logements et économise 300 t de fuel par an ; 4 installations de méthanisation, qui produisent chaleur et électricité, etc…
Que dire d’autre ? On vient du monde entier pour visiter ce village qui revend pour 5 MEuros d’électricité par an, ses surplus. Tout le monde y semble heureux, on y porte des Lederhosen, on y boit de la bière en mangeant des saucisses ; pas d’épidémie d’ « éoliennophobie ». À croire que les vents de colère qui se déchainent chez nous sont vraiment arrêtés par le Rhin (comme naguère le fameux nuage, mais dans l’autre sens).
C’est le truc à ne pas montrer aux nucléocrates, députés, EDF et autres. On ne leur veut pas (trop) de mal et ça risquerait provoquer une épidémie d’attaques d’apoplexie. L’année prochaine (2015), heureusement, on rase gratis : c’est, chez nous, l’année qui vient d’être décrétée « année de l’environnement ». Peut-être certains accepteront-ils qu’on les emmène en voyage dans ce pays de carte postale, un vrai pays pourtant, avec de vrais gens ?
Du photovoltaïque partout: sur les toits, au sol
mais pas sur l’église, qui est classée.
Les éoliennes par là-dessus,
plantées dans les champs… et les bois, près des habitations, sans que
personne n’y trouve à redire…
de la méthanisation, sous couvert PV, et encore quantité d’autres choses.
4. A vous de jouer !
Le prix du pétrole s’effondre, le gaz va suivre, « mécaniquement » :
et alors ?
On se remet au chauffage au fuel ? Au gaz ? On continue à rouler à un par voiture dans les embouteillages des grandes villes ? Depuis 1979 et le premier choc pétrolier, il y a des pays qui ont travaillé sérieusement, et qui sont aujourd’hui, après des décennies de travail, sur le point de reconquérir leur indépendance énergétique « vraie ». Et il y a des pays qui ont « papillonné », se lançant, puis s’arrêtant, au gré des cours du pétrole, du gaz, de l’uranium etc. Ceux-là restent dans une dépendance quasi-totale, et, dès qu’ils se mettent enfin à remuer le petit doigt, on leur refait le coup des fossiles et fissiles « pas cher ». Hélas, nous sommes de ce nombre, sans doute plus qu’aucun de nos voisins européens.
Mais, depuis 1979, les énergies renouvelables sont devenues une réalité tout à fait jouables, comme le montrent tant d’exemples. À nous, à vous de jouer ! C’est le titre de cette rubrique que je n’ai pas toujours le temps d’assurer, malgré la matière.
Chacun doit être acteur, dans sa sphère directe, en adaptant ses pratiques, mais aussi au niveau collectif, en faisant partager ses expériences et réflexions, en communiquant et en diffusant ce modeste blog, dont la vocation est d’aborder sans détours toutes les problématiques de l’énergie, avec compétence et détermination.
Merci à tous ceux qui partagent cet investissement personnel.
bonjour
y’a t’il un site francophone qui explique sonnenhaus ?
avez vous prévu une procédure particulière en cas d’incendie sur la plateforme de séchage photovoltaique ?
cordialement
nicolas dumont
Je réponds bien volontiers à vos deux questions, en vous priant de bien vouloir m’excuser de ne pas avoir répondu à une question similaire le mois dernier.
A ma connaissance, le seul site consistant en français sur les Sonnenhaus (maisons à chauffage solaire à stockage intersaisonnier) est celui de la société suisse Jenni : http://www.jenni.ch/fr/ Il y a d’autres fournisseurs possibles, et c’est ce que nous allons aborder avec la deuxième série de chantiers.
Pour ce qui concerne la sécurité incendie de la plateforme bois-énergie couvert par une toiture PV, nous n’avons pris aucune mesure de protection particulière, considérant les points suivants :
– le bois est un matériau difficilement inflammable (c’est-à-dire qu’il nécessite d’être porté à haute température pour s’enflammer. Le stock de bois au sol est hors de tout contact avec des éléments pouvant provoquer l’échauffement nécessaire.
-Il reste le risque d’incendie de la toiture PV. C’est déjà arrivé, et dans ce cas-là, certainement la toiture s’effondrerait sur le stock de bois et y mettrait certainement le feu. C’est arrivé avec des panneaux défectueux, c’est à dire mal conçus : ceci a été corrigé dans les produits actuellement fournis par les grands fabricants. Ou encore à cause de mauvais montage, c’est à dire des connexions mal serrées par exemple, comme cela peut se produire dans toute installation électrique : là aussi, le choix d’installateurs rigoureux doit, en principe, éviter ce risque.
Bien sûr, on n’est jamais totalement à l’abri, mais les cas d’incendie de toitures PV sont extrêmement rares, mais spectaculaires et médiatisés.